21 septembre 2018 Lifestyle

Micronutrition et Sport de haut niveau

Quand un skipper frappe à la porte de l’Ordonnance dans l’optique de préparer la course de la Figaro, ça donne quoi?
Romain Baggio, skipper bizuth prendra le large ce 26 Août pour sa première course en solitaire de la Figaro. Il nous a demandé de l’accompagner sur le plan micronutritionnel. Challenge relevé!
Mais où la micronutrition et le sport de haut niveau se rejoignent-ils me direz-vous?
Jusqu’à présent, pour les sports d’extrême ou les sports de haut niveau, on s’intéressait aux assiettes des sportifs quelques jours seulement avant l’épreuve. L’idée princière et communément répandue était de charger le foie de glycogéne, réserve facilement accessible de carburant, le glucose, lors des efforts intenses. Jusque là, pas besoin de l’avis d’un spécialiste.
En micronutrition, on pense qu’un sportif ça doit être accompagné en amont, pendant et en aval des épreuves. Mais comment? Et surtout dans quel but?
Tout d’abord, rappelons que la micronutrition s’interresse à l’individu dans sa globalité.
Après un interrogatoire, un examen clinique ainsi qu’une prise de sang orientée et des questionnaires spécifiques comme celui de l’Ordonnance, nous établissons une cartographie des excès, des carences, des déséquilibres, des pathologies. Nous émettons des hypothèses diagnostiques, puis nous hiérarchisons les problèmes. Et proposons des solutions.
Pour notre skipper Romain, nous avons donc évalué
  • l’équilibre acido-basique de son assiette. Certains aliments s’avèrent acidifiants pour nos tissus, d’autres basifiants. Notre alimentation moderne a tendance à être plutôt acidifiante, ce qui peut être préjudiciable car cela peut entraîner de la fatigue, des tendinites, des déchirures musculaires
  • le statut du stress oxydant. Celui-ci, physiologique, tend à augmenter lors des compétitions de haut niveau. Il crée ce qu’on appelle des ERO, Espèces Réactives de l’Oxygène, une vraie bombe atomique pour nos cellules et nos gènes. Les anti-oxydants alimentaires sont contenus notamment dans tous les produits riches en couleur (fruits, légumes, chocolat, thé vert, vin rouge…)
  • le stress psychologique. Des questionnaires spécifiques nous permettent de mieux comprendre à quel niveau le stress impacte, quelle peut en être la cause, et de « booster » certaines voies métaboliques régulant le stress, grâce à l’alimentation et des compléments alimentaires
  • les fonctions digestives. Les sportifs de haut niveau présentent fréquemment des troubles digestifs, plus connus sous le terme de « run trot » chez les runers. La micronutrition faisant la part belle à l’équilibre digestif, au rôle du microbiote (ensemble des bactéries vivant en symbiose avec notre propre organisme dans notre tractus digestif), nous avons des solutions pour prévenir et éviter ces problèmes, grâce aux probiotiques (bactéries), prebiotiques (aliments nourrissant nos bactéries amies) et postbiotiques (produits de fin de digestion de nos charmantes amies)
  • la fatigue physique, causée par d’éventuelles carences ou excès
  • l’immunité, avant et surtout après la course
Ainsi, les mois qui ont précédé le grand départ, 3 phases se sont succédées pour Romain:
  1. Rééquilibrage des grandes fonctions
  2. Maintient d’un statut nutritionnel et micronutritionnel optimal et préparation au stress
  3. Gestion de l’alimentation et du stress sur le bateau et entre les courses
Il faut savoir, qu’en condition de course, à cause de l’exercice intense, de la dette en sommeil (les participants se contentent souvent de siestes courtes, ce qu’on appelle  le sommeil polyphasique) et en fonction des conditions climatiques, un homme a besoin du double de sa ration à terre, soit environ 4500kcal par jour. Pour celles qui lisent cet article, en période de « diète », une femme au régime peut n’en ingérer que 1000…
Il faut se rappeler aussi que les skippers ne peuvent pas vraiment amener des kilos de denrées alimentaires fraîches à bord, et on a du mal à imaginer un marin peler ses courgettes en pleine mer. L’alimentation à bord est donc principalement… lyophilisée!

Le panier repas de Romain sur le bateau, entre fruits secs, repas lyophilisés et barres hyperprotéinées

Les repas de Romain sur le bateau se composent, dans les limites de ce que les conditions météorologiques le permettent:

  • D’un petit-déjeuner à base de porridge aux oléagineux pauvre en sucres fermentescibles (FODMAPS) ainsi que d’oeufs brouillés
  • D’un déjeuner riche en protéines et glucides avec fruits ou compote
  • D’un dîner identique avec soupe ou barre
  • De collations de type barres de céréales aux oléagineux et de lamelles de viande séchée
Par ailleurs, la proportion ingérée glucides/ protéines a un impact important sur la performance. En effet, on sait qu’en mer, après un événement difficile, les marins ont tendance à se « jeter » sur des produits sucrés, ce qui engendre immanquablement une somnolence. On conseille donc à Romain de grignoter des lamelles de viande séchée (protéines) en plein effort, et des barres céréalières (glucides) quand il sait qu’il pourra se reposer.
Enfin, entre les étapes, pas de repos pour l’assiette du guerrier! Nous préconisons à Romain de faire le plein de vitamines, d’oligo-éléments et de bons acides gras (Omega 3), ce dont il manquera le plus à bord. Au programme de l’eau pétillante, des fruits frais et secs, des légumes frais et secs, des céréales complètes, des oléagineux, du poisson. On attendra donc l’arrivée pour la côte de bœuf et le fromage, hyper acidifiants…
Il sera certainement difficile à posteriori d’évaluer l’observance des préconisations, l’alimentation en compétition étant on ne peut plus « fonctionnelle ». Le temps, le plaisir et la palatibilité étant laissés à ceux ayant le pied à terre.
Bien entendu, Romain a bénéficié de supplementations ciblées et adaptées à la situation, il va sans dire non dopantes, mais n’allons pas vous donner tous nos secrets…

Après l’effort, les frites!!! 🙂